La Laïcité, pilier de la République,

pilier du « vivre ensemble »

( Partie 3 sur 5 )

 

 

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Premiers textes laïques : apport fondamental de Nicolas de Condorcet :

En 1792, il présente à la Convention un plan d’organisation de l’instruction publique basé sur les principes de la laïcité. Son « Rapport sur l’instruction publique »postule comme élément fondamental de l’éducation « la libération de l’esprit ». Il tient ainsi à bannir de l’école toute doctrine politique, toute autorité religieuse et tout dogme intellectuel ou pédagogique : « La Constitution, en reconnaissant le droit à chaque individu de choisir son culte, en établissant une entière égalité entre tous les habitants de France, ne permet pas d’admettre dans l’instruction publique un enseignement qui donnerait à des dogmes particuliers un avantage contraire à la liberté des opinions. »

 

Mesures concrètes :

Le 20 septembre 1792, l’état civil est enlevé au clergé pour être confié aux mairies ce qui permet aux juifs et aux protestants de devenir citoyens à part entière. Le divorce est autorisé. La laïcisation s’étend au mariage, au calendrier, à l’enseignement et à l’assistance publique. Mais sous les critiques et la résistance du clergé, de l’action des Chouans notamment, le mouvement d’isolement de la religion catholique « s’essouffle ».

 

Toutefois, la République affirme la séparation complète des cultes et de l’État par la loi du 2 pluviôse an III (21 janvier 1795) : « La République ne salarie aucun culte, ne fournit aucun local. La loi ne reconnaît aucun ministre. Interdiction de tout exercice hors de l’enceinte consacrée. ».

 

Le Consulat & le Premier empire : un concordat en trompe-l'œil : on pourrait penser que le Premier Consul d’abord, puis, Napoléon en ce domaine -comme dans d’autres-, ont renié les convictions du général Bonaparte : en matière de liberté, il rétablit l’esclavagisme ; en matière d’organisation de l’église, après son coup du 18 brumaire, Napoléon Bonaparte voulant dissocier la cause de la monarchie de celle de la religion catholique et établir l’ordre moral signe le concordat de 1801 qui rétablit les relations avec l’Église catholique de Rome.

 

Mais il s’agit plus ici d’un compromis entre le Consulat et la papauté que d’une véritable alliance. Par ce document, le pape reconnaît la République et renonce aux biens enlevés au clergé sous la Révolution. En contrepartie, le gouvernement de la République française reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine emporte l’adhésion de la très grande majorité des citoyens français, sans en faire pour autant une religion d’État. Dès l’article premier, le texte rétablit le libre exercice du culte catholique : « La religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France. »

 

Les archevêques et évêques sont désormais nommés par le gouvernement mais reçoivent l’institution canonique du pape. Le document dispose en outre qu’il « sera fait par le St-Siège, de concert avec le gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français ».

 

L’Église est toutefois subordonnée au gouvernement : les évêques et prêtres doivent prêter serment de fidélité au gouvernement ; ils doivent en outre faire réciter à la fin de l’office divin la formule de prière : «Seigneur, sauve la République, exauce-nous en ce jour où nous t’adressons nos invocations ».

 

Une loi organique du 18 germinal an X (8 avril 1802) censée préciser les termes du concordat, restreint la liberté de mouvement des évêques, qui n’ont pas le droit de se réunir en assemblée ; subordination de l’Église vis-à-vis de l’État ; l’État a le pouvoir d’empêcher la mise en œuvre de bulles ou de brefs émanant du pape ; les évêques doivent également avoir la permission du gouvernement pour créer des séminaires ; c’est le préfet qui supervise les votes de budget des cultes au sein des conseils généraux et municipaux. Pie VII ne reconnaîtra jamais les 77 « articles organiques » ainsi ajoutés au concordat et limitant le pouvoir du pape (ils seront néanmoins appliqués jusqu’en 1905).

On le voit, les « amabilités » entre les grands de ce monde continuent …

La Restauration : point d’orgue & dernier avatar de l’alliance /église :

A la chute de Napoléon, le pape possède un prestige très fort auprès des catholiques français ; c’est l’époque de l’ultramontanisme (le pouvoir d’au-delà des Alpes). Sur le plan politique, c’est l’avènement de la Restauration monarchique et religieuse, dernier épisode de l’alliance entre l’Église catholique et l’État français. Le clergé reprend la main : il impose des processions, proscrit les bals du dimanche et parfois, refuse de donner les sacrements aux propriétaires de biens nationaux.

 

Dès le début de la Restauration, l'Église catholique se voit accorder plus de moyens tandis que son influence sur l'éducation grandit. En 1816 le divorce considéré comme «un poison révolutionnaire», est aboli. Cette alliance de l’Église catholique et des monarchistes va entraîner l’opposition des partis révolutionnaires, voire générer des complots visant à destituer le roi Louis XVIII ; sous Charles X, rappelons-le, dernier roi à être sacré à Reims en 1825 ? la loi Villèle punit de mort le sacrilège et la profanation religieuse.

 

La Deuxième République : la LAÏCITÉ reprend (un tout petit peu) des couleurs :

La révolution de février 1848 signe la fin de la Monarchie de Juillet et la naissance de la 2ème République ; un vent de fraternité souffle sur la France et il semble alors possible de réconcilier chrétiens et républicains au nom de la concorde universelle. Après les émeutes de juin 1848 un gouvernement conservateur prend le pouvoir. La séparation des Églises et le l’État, acquise en 1795, supprimée par le Concordat de 1801 est rejetée.

 

Afin de conforter l’électorat conservateur et catholique, le ministre de l’Instruction publique, le comte Alfred de Falloux projette de réorganiser complètement le système d’enseignement sous des prétextes de « liberté », pour le placer en réalité sous le contrôle de l’Église catholique. Ses intentions sont vivement dénoncées par Victor Hugo devant l’Assemblée législative, dans un discours aux accents laïques qui fera date :

«Deux censures pèsent sur la pensée, la censure politique et la censure cléricale ; l’une garrotte l’opinion, l’autre bâillonne la conscience. […] Je veux, je le déclare, la liberté de l’enseignement, mais je veux la surveillance de l’État, et comme je veux cette surveillance effective, je veux l’État laïque, purement laïque, exclusivement laïque. [….] J’entends maintenir, quant à moi, et au besoin faire plus profonde que jamais, cette antique et salutaire séparation de l’Église et de l’État qui était l’utopie de nos pères, et cela dans l’intérêt de l’Église comme dans l’intérêt de l’État. […] Je ne veux pas qu’une chaire envahisse l’autre, je ne veux pas mêler le prêtre au professeur. […] Je veux l’enseignement de l’Église en dedans de l’église et non au dehors. […]. En un mot, je veux, je le répète, ce que voulaient nos pères, l’Église chez elle et l’État chez lui. »

 

En 1850, la loi Falloux permet finalement aux congrégations religieuses d’assurer près de la moitié de l’enseignement primaire public. Elle oblige également les instituteurs à enseigner le catéchisme et à conduire les élèves à la messe. Les évêques siègent de droit aux conseils d’académie, l’école est surveillée par le curé conjointement avec le maire. Un simple rapport du maire ou du curé peut permettre à l’évêque de muter un instituteur à sa guise.

 

Le combat anticlérical va alors reprendre et s’organiser

 

L’affirmation de la laïcité ; les deux France :

Dans l’histoire de la France, dans la seconde moitié du XIXème siècle, ce que l’on a désigné par la « guerre des deux France » désigne un long conflit acharné, virulent et passionné entre les partisans d’une France monarchique, catholique et conservatrice, et les tenants d’une France laïque, républicaine et ancrée vers la gauche. Le camp laïque finit par l’emporter au début du xxème siècle, malgré de nombreux heurts, pour mener par la suite une politique de réconciliation lors de la Première Guerre Mondiale.

 

L’un des alliés des tenants de la LAÏCITÉ aura probablement été –malgré lui- le pape Pie IX, farouche adversaire de la liberté de conscience, ultraconservateur et anti moderniste qui publie en 1864 l’encyclique « Quanta Cura » condamnant l’évolution du monde moderne. Celle-ci dénonce ce qu’il qualifie de «monstruosités extraordinaires que sont les opinions » ; pour lui la liberté de conscience et des cultes est une abomination, de même que droit à de manifester hautement et publiquement ses opinions.

 

Les notions de séparation des pouvoirs civil et spirituel y sont qualifiées de « principes hérétiques », et pour le pape, toujours : « le pouvoir de gouverner est conféré non pour le seul gouvernement de ce monde, mais avant tout pour la protection de l’Église ». Cette lettre encyclique est accompagnée de « Recueil renfermant les principales erreurs de notre temps. ». Ce document, qui condamne les principes de la laïcité acquis depuis la Révolution, dénonce ainsi notamment ce qui aux yeux du pape constitue une monstruosité : la liberté de conscience ou de culte ; la non-subordination de l’enseignement aux hiérarchies ecclésiastiques ; la démocratie ; le parlementarisme et le fait que les Hommes puissent définir une morale en dehors de la morale divine ; le fait que le mariage relève de l’autorité civile … etc …

 

La diffusion de ce document déclenche alors un fort courant anticlérical qui traverse toute l’Europe. La condamnation du catholicisme libéral, de la liberté de la presse, ainsi que des révolutions de1830, fait naître chez de nombreux catholiques ce que l’on appellera la crise moderniste et provoque de la part des gouvernements des procédures de rétorsion.

La Commune de Paris :

En 1871, la Commune de Paris (qui ne durera pourtant que 2 mois !) prend des mesures importantes en faveur de la laïcité (le terme apparaît pour la première fois le 11 novembre 1871 dans le journal La Patrie), dont certaines seront reprises par le gouvernement de la 3ème République : la séparation de l’Église (catholique) et de l’État, la suppression du budget des cultes et la sécularisation des biens des congrégations religieuses. Édouard Vaillant, chargé de l’éducation, prévoit une réforme impliquant une laïcisation sur plusieurs plans. Il veut une éducation sécularisée : l’enseignement confessionnel est interdit et les signes religieux chrétiens sont enlevés des salles de classe. Il souhaite un accès égal des filles et des garçons à l’éducation : une commission composée de femmes est formée le 21 mai pour réfléchir sur l’enseignement des filles.

 

Parallèlement, une égalité de traitement entre les hommes et les femmes est mise en place pour les enseignants et directeurs. Quelques municipalités d’arrondissement rendent l’école gratuite. La Commune reconnaît les droits politiques des femmes. A noter ici que la reconnaissance des droits politiques des femmes indique un élargissement du champ de la LAÏCITÉ jusqu’ici cantonné à la liberté religieuse, au mieux, à la liberté de conscience.

 

La 3ème République ; laïcisation et réactions :

À partir de 1875, Alfred Naquet dépose plusieurs propositions de loi concernant le divorce (celui-ci avait disparu en 1816). Le texte final est adopté en 1884 et réglemente ensuite le divorce pendant près d’un siècle. La réaction de l’État français à la position de l’Église catholique se manifeste à partir des élections de janvier 1879 et l’arrivée à la présidence de la République de Jules Grévy Les changements laïques les plus importants se font dans le domaine de l’éducation, notamment sous l’impulsion de Jules Ferry.

 

En 1880, le pape Léon XIII finit par reconnaître dans son encyclique « Diuturnum » que les personnes au pouvoir peuvent être choisies par la volonté et le jugement de la multitude sans que la doctrine catholique y fasse obstacle !!! En 1884, les prières précédant les sessions parlementaires sont supprimées. La même année, Léon XIII appelle à un rapprochement entre catholiques et républicains, tout en regrettant que la France soit « oublieuse de ses traditions et de sa mission ».

 

Dans une deuxième période, malgré les appels à l’apaisement du pape Léon XIII, notamment dans son encyclique appelée « L’Encyclique du ralliement », de nombreux catholiques se radicalisent. C’est alors l’émergence de l’anti-républicanisme de l’Action Française de Charles Maurras, et des positions anti dreyfusardes des catholiques conservateurs.

 

Les « hussards » de l’école publique : à cette époque du scientisme triomphant, les républicains, souvent libres penseurs et Francs-Maçons ou protestants, se reconnaissent comme héritiers des Lumières et la laïcité se focalise sur l’éducation au sens large, et prioritairement sur l’enseignement, dans une optique citoyenne.

 

 

En guise de conclusion provisoire

 

Le XIXème siècle s’avérera extraordinairement riche dans tous les domaines ; déchiré aussi : à la fois en réaction et en droit-fil des idéaux révolutionnaires ou napoléoniens, il connaîtra deux Empereurs, deux Restaurations, deux Républiques, deux Révolutions, de nombreuses guerres, la guerre des Deux France, la Commune, extraordinaire laboratoire d’expériences, de mise en pratique effective des idéaux révolutionnaires…Hélas ! ce temps ne durera pas. Mais viendra la IIIème République et sa cohorte de grands hommes, humanistes, éclairés, visionnaires, Jules Ferry, Victor Hugo, pour ne citer que les plus célèbres pour lesquels l’éducation laïque, gratuite, obligatoire étaient indispensable…

 

(fin de la troisième partie)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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