Dans la jungle, terrible jungle,

Le lion est mort ce soir … 

(sur un air bien connu)

 

L'ornithorynque : un drôle d'animal !

Dans la jungle, terrible jungle, le lion, roi des animaux est mort...

Dans la république des animaux, c'est la consternation. Ô ! bien sûr, depuis longtemps déjà le roi ne faisait plus l'unanimité, mais enfin... c'était le roi ! Et puis, de tout temps le lion était le roi des animaux : cela ne souffrait aucune contestation. Passé le moment de l'émotion, et contre toute attente qui voulait que la tradition fût respectée -à savoir qu'un autre lion lui succède- de nombreux prétendants se présentèrent devant le Conseil des sages, chacun y allant de son opinion :

 

« Mais à quoi peut bien servir un roi qui passe le plus clair de son temps à dormir, qui n'élève même pas ses enfants et qui envoie sa femme chasser la gazelle pour lui en rapporter les meilleurs morceaux » ? se demandèrent les fourmis et les abeilles réputées parmi le monde animal pour être d'infatigables travailleuses considérant que leur reine serait la plus digne de porter la suprême couronne animale.

 

Bien entendu, entendant pareille prétention, le cheval hennit d'indignation : « Je suis le plus travailleur, le plus fort, le plus loyal et suis même capable de mourir à la tâche, par abnégation. L'important c'est le travail, toujours plus de travail » En fait, le cheval qui n'avait jamais lu le roman de Georges Orwell, « La ferme des animaux » avait dit cela au hasard, pour épater la galerie...

 

« Que nenni dit le roi des rats », se souvenant qu'un jour, dans un lointain passé, c'est à l'un de ses modestes sujet que le roi-lion devait d'avoir été délivré des mailles d'un filet que les hommes-chasseurs avaient tendu pour le capturer. « Il me revient donc à moi, roi des rats de coiffer la suprême couronne ».

 

« Mais alors, mes braves ! Que faites-vous de la beauté incomparable de mes plumes », dit le paon qui, faisant la roue, faillit s'étouffer de suffisance. « Ma magnificence n'est-elle pas ce qui sied en premier lieu au roi des animaux dont les sujets ébahis viendront, admiratifs, s'extasier devant mon magnifique plumage » ?

 

Perché dans son arbre, le singe-malin regardait goguenard tout se petit monde se disputer, sachant très bien qu'en fait, personne d'autre que lui ne méritait la couronne suprême : n'était-il pas la copie quasi-conforme de celui qui disait être le roi de l'Univers : l'Homme-dieu ? Et en toute simplicité de dire : « Je suis le meilleur. Je serai le roi ».

 

Devant tant de candidats dont aucun ne semblait vraiment dépasser les autres en courage, en force, en ruse, en qualité, en compétence à être le digne monarque du règne animal, mais aussi devant la grogne qui s’amplifiait, et pour calmer les esprits, le Conseil des sages prit une décision : il décida que chaque grande famille animale devrait désigner en son sein son propre candidat au moyen d'un tournoi interne, que tous les prétendants se retrouveraient ensuite, au début de la prochaine lunaison, pour une grande disputation publique où chacun ferait valoir ses atouts. Le Conseil édicta aussi une loi : la compétition aurait lieu dans les trois milieux naturels dans lesquels se meuvent tous les animaux : sur terre, dans les airs, et dans l'eau... Toutes les espèces devraient organiser cette compétition sur trois jours différents, entre le lever et le coucher du soleil et le vainqueur serait appelé à participer à une grande disputation... qu'on appellerait « Primaire citoyenne », elle-même précédant la grande élection du futur roi : l'élection royale !!!

 

Tous trouvèrent l'idée excellente ; tous jurèrent de respecter parfaitement les règles et d'être loyaux les uns envers les autres, que chacun, comme un seul homme, soutiendrait le vainqueur de sa famille, et qu'à l'issue de la « Primaire citoyenne » tous seraient derrière le vainqueur pour l'élection royale ! Dans l'euphorie générale, et pour le bien de tous les sujets du règne animal, ils décidèrent d'une même voix d'adopter ce qui serait désormais leur devise : Liberté – Égalité – Animalité ! 

Arriva le premier matin de la fameuse lunaison... Les épreuves pouvaient commencer. Chez les « emplumés » (les oiseaux), la compétition fut haletante : à la course terrestre, le coq prit un départ prudent ; mais ayant rattrapé sa poule il la doubla par un saute-mouton spectaculaire puis un instant oublieux qu'il était dans une épreuve de course, changea subitement de discipline, fit avec elle une espèce de lutte, pas gréco-romaine, qui parut « un peu osée et déplacée » aux yeux des juges mais il ne fut pas disqualifié ; quelques instants après, la poule toute énamourée s'ébroua, retrouva ses esprits, se remit sur pattes et reprit la course ; un peu flageolant le coq se remit peu-à-peu en jambes mais le canard (qui n'était pas boiteux) touchait bientôt au but ! Alors, piqué au vif, dans un dernier effort et bombant le torse, le coq apparut bientôt vainqueur du canard sur la photo finish. L'aigle, lui, gêné par l'envergure de ses ailes ne put faire mieux que troisième.

 

Mauvaise joueuse, la chouette, arguant qu'il était scandaleux qu'une course ait lieu en plein jour ne prit pas le départ ; le perroquet lui, n'avait rien compris : alors que tous étaient déjà arrivés, il était toujours bien calé dans ses starting-blocks répétant inlassablement : « A vos marques... Prêts ? Partez... A vos marques... Prêts ? Partez... A vos marques... Prêts ? Partez » ... Quant au paon, son panache caudal lui fit un tel aérofrein qu'il fut incapable d'atteindre l'arrivée avant la fin du jour. Il fût disqualifié sous les huées. « Des jaloux », pensa-t-il … « des incultes, insensibles à l'esthétique ».

 

La course dans les airs fut sans surprise : l'aigle (impérial) domina sans contestation possible ; le canard (qui était mâtiné de col-vert) fut second et tous les autres emplumés mis dans le même sac et proclamés derniers ex-æquo. A déplorer un accident stupide : à mi-course, le colibri fit un détour qui lui fut fatal : ayant vu une fleur qu'il pourrait butiner, il s'y attarda un long moment en vol stationnaire, s'enivra de son parfum tandis que ses concurrents touchaient au but... Mais, en un instant, il fut dévoré tout cru par la plante qu'il butinait. C'était une « dionée » ( ndlr : dionaea muscipula). Une plante carnivore. De profondis...

 

Restait l'épreuve de l'eau... La gente volatile, en général, n'aime pas se mouiller. Mais la quête de la « couronne suprême » imposait cette épreuve : le manchot-empereur fit l'admiration de tous et sans conteste, remporta cette épreuve, tant son insolente aisance à se mouvoir dans l'élément liquide émerveillait. Le canard se consola avec la médaille d'argent. La plupart des autres volatiles, aux fortunes diverses, arrivèrent hors des délais et furent classés derniers ex-æquo. Mais là encore, un accident -stupide- fut à déplorer : la foule admirative demanda au manchot-empereur, pour la beauté du geste, d'effectuer une démonstration de son extraordinaire habileté aquatique. Flatté, ce dernier ne se fit pas prier très longtemps et se remit à l'eau : sauts de carpe, triples vrilles, plongées en apnée, sauts périlleux , « moon-walk » sur l'eau et autres loopings émerveillèrent l'assistance qui se pressait, de plus en plus nombreuse sur les bords de mer pour admirer cet orfèvre en acrobaties marines et applaudissait à tout rompre quant, surgissant, on ne sait d'où, une otarie (affamée peut-être ?) d'un fort beau gabarit, et sans doute voulant éviter à notre manchot-empereur de se prendre un « plat » sur l’eau, cueillit celui-ci en plein vol et … Gloupssss ! l'avala tout cru ! Re-de profondis... et ...requiem... C’est sur cette triste note que fut proclamé le résultat final.... The winner is : le CANARD ! qui devenait ainsi le favori des emplumés. 

Chez la gente aquatique la compétition fut très courte et finalement, sans grand intérêt : le Conseil des sages ayant décrété les mêmes épreuves que pour les emplumés, elle tourna court. Et fut limitée -faute de courageux- à la seule épreuve de l'eau, avec en option pour les volontaires, l'épreuve de l'air ; malgré la requête du représentant des saumons qui palabra longtemps mais vainement auprès du Conseil des sages pour faire homologuer une épreuve de remontée de barrage. Le Conseil s'y opposa et la carpe ne se montra guère solidaire dans cette joute oratoire : elle resta muette... ! L'otarie digérait dans son coin et le dauphin -qui aurait pu prétendre à la couronne- ne s'était pas inscrit à la compétition, préférant, avec son frère, faire les beaux… de Provence au parc aquatique d'Antibes (Marineland) ! La victoire fut finalement attribuée à l'exocet, surnommé « poisson volant » et un petit accessit attribué à l'hippocampe, qui, à défaut de marcher -et encore moins de courir- parvint à se tenir à peu près debout... sur sa queue... Ce qui était vraiment trop peu pour prétendre jouer un rôle à l'élection royale !

 

Parmi la république des animaux terrestres, la compétition s'annonçait palpitante ; mais les lions restants, ceux parmi lesquels, en toute logique on pouvait s'attendre à trouver le futur roi, ceux qui restaient, ceux que le défunt roi n'avait pas éliminés avant de mourir, étaient vieux et faibles ; et ses petits qui auraient pu prétendre se parer de la couronne étaient bien trop tendres... Le cheval se positionna donc immédiatement, faisant valoir qu'il était le plus fort et le plus courageux ; l'âne, qu'il était le plus opiniâtre ; le singe persuadé de rouler tout le monde se mit sur les rangs, le castor aussi : avec sa résistance, sa connaissance du milieu naturel, son extraordinaire ingéniosité de bâtisseur, son sens de l'organisation familiale (il travaillait avec sa femme comme collaboratrice et ses filles comme assistantes !) il était persuadé d'avoir toute sa place au milieu de ce concert de talents... Il y avait encore une foule d'autres animaux, chacun y allant de son avantage sur son voisin. Toutefois, les équidés, les pachydermes et autres ruminants quant à eux, décidèrent d'un commun accord et solidairement de faire l'impasse sur cette épreuve aérienne qu'ils jugèrent stupide, certains de rattraper leur retard avec les deux autres disciplines.

 

Mais le concurrent le plus insolite fut le roi des chauves-souris... Capable de voler, de courir, et même de nager, ce fut un redoutable concurrent qui, à la première épreuve fut plus qu'à son avantage : il surclassa tous ses concurrents qui étaient restés cloués au sol, médusés, tous ! Sauf un : l'écureuil volant qui vengea tous ceux qui avaient été humiliés par les prouesses insolentes du patibulaire suceur de sang et pour encourager le sympathique rouquin à la queue en panache, chacun y alla de son miaulement, aboiement, mugissement, feulement, braiment, meuglement, etcétérent... etcétérent... Mais le vampire fut logiquement classé premier. Ce fut là son seul coup d'éclat et l'écureuil volant obtint une remarquable deuxième place...

 

La course sur terre s'avéra être l'épreuve reine : les félins étaient des coureurs de fond innés qui s'élancèrent d'autant plus vite que le tirage au sort ayant décidé que les gazelles partiraient les premières, ils les auraient en point de mire, comme « lièvres » disent les spécialistes. Hélas pour elles ! La tentation fut trop forte pour eux, qui ne purent s’empêcher de s'offrir -par anticipation- un festin de roi ! Repus, ils reprirent bien la course, mais trop alourdis, furent dépassés par la plupart des concurrents. Mais surtout, il furent disqualifiés par le Conseil des sages pour entorse au règlement : comme pour la course autour du monde en solitaire, le ravitaillement en cours d'épreuve est interdit ! Et le lapin fut proclamé vainqueur !L'écureuil-volant fit quelques temps illusion : il filait ventre-à-terre, le museau dans le vent, la queue droite, les naseaux dilatés ; l'on crut même qu'il pouvait remporter la course. Mais hélas pour lui ! Il ne put s'empêcher, chaque fois qu'il voyait un noisetier, de monter, descendre le long de son tronc, puis encore monter et redescendre... finalement, il fut relégué dans les profondeurs du classement... mais à la tête d'un bon magot de noisettes qu'il mit... à la caisse d'épargne. A la surprise générale, le castor sarthois parvint à se hisser sur le podium. (ndlr : le castor est de retour dans la Sarthe depuis une quinzaine d'années ; réf. : Le Maine Libre 05 mai 2013).

 

Restait l'épreuve de l'eau : très piètre prestation de la part de la chauve-souris mais déception pour ceux qui avaient fait l'impasse de l'épreuve de l'air : dans celle de l'eau ils ne furent pas plus convaincants, à l'exception de l'éléphant qui crut pouvoir user d'un subterfuge : « je ne sais pas nager ; je suis trop lourd » se dit-il, « qu'importe ; je vais marcher au fond de l'eau et rejoindre aisément l'arrivée ». Il fit ainsi, parvint au terme de l'épreuve à une place honorable, mais fut immédiatement disqualifié par le Comité des sages pour … tromperie, si l'on peut dire ; en effet, notre animal à trompe -appelons-le Donald-, s'était servi de son appendice nasal comme d'un tuba, et ça... le jury n'avait pas apprécié ! Mais il faut reconnaître que les conditions n'étaient pas idéales, tous les concurrents durent évoluer en eau trouble ! Et le castor sarthois, sans surprise, remporta l'épreuve avec panache !

 

 

 

quel piètre nageur ce pachyderme...

Morale provisoire à ce stade du récit, beaucoup veulent être « calife à la place du calife » ; beaucoup sont prêts à toutes les « ficelles », les tromperies et les mensonges pour y arriver et feraient tout pour y parvenir, mais sucombent parfois à leurs bas instincts, par bêtise, par faiblesse … Mais bien peu sont capables de se mouiller lorsque cela est nécessaire... A ce jeu, le castor fit merveille, mais au royaume des aveugles.... il fut déclaré vainqueur de l'épreuve, suivi d'une lointaine cousine, la loutre, elle-même devançant un vague autre cousin, lequel fut immédiatement déclassé pour n'avoir pas payé son droit d'engagement à la compétition : le rat !

Le soir du troisième jour de la lunaison était tombé. Toutes les épreuves avaient été disputées, les jurys avaient rendu leurs résultats et fait leurs remarques ; le Conseil des sages se retira en grand secret, délibéra doctement toute la nuit et au petit matin l'on entendit le coq, encore tout à sa fierté d'avoir remporté l'épreuve terrestre des « emplumés », s'égosiller pour annoncer le lever du jour... La proclamation des résultats surprit quelque peu, mais le peuple des animaux, aussi philosophe que prompt à avaler des couleuvres admit sans plus de contestation le verdict du Conseil des sages : le canard, l'âne, la chauve-souris, l'ours de Catalogne, le dindon de Saint Renan, le castor, et quelques autres « petits candidats » furent appelés à la disputation publique : la « Primaire citoyenne », qui verrait son vainqueur qualifié pour la grande élection du futur roi : l'élection royale !!!

 

Et là encore, comme au début, la patte, l'aile, la nageoire sur le cœur, tous jurèrent de respecter parfaitement les règles et d'être loyaux les uns envers les autres ; tous déclarèrent, des trémolos dans la voix, et comme un seul homme, qu'ils soutiendraient le vainqueur, quel qu'il soit ; tous, la larme à l’œil jurèrent qu'à l'issue de la « Primaire citoyenne », tous seraient derrière le vainqueur pour l'élection royale ! Dans l'euphorie générale, et pour sceller leur indéfectible parole et pour le bien de tous les sujets du règne animal, ils entonnèrent d'une même voix l'hymne national : « Le Carnaval des Animaux ».

 

Le vote eut lieu, le dindon de Saint Renan fut élu, et comme malheureusement on pouvait s'y attendre, à peine le vote fini chacun déclara que le vainqueur n'était pas le « bon cheval » et qu'il ne voterait pas pour lui et patati... et patata... (ndlr : Saint Renan, commune du Finistère, département situé à l'extrême gauche sur la carte de France).

 

Dans quelques jours aura lieu l'élection royale... On y verra donc le dindon ; mais aussi un animal sur laquel nous allons nous attarder quelque peu...

 

 

La hyène !

On la trouve en quantité en Tanzanie, Kenya. (ndlr : pays qui se trouvent à l'extrême droite ... de l'Afrique !). C'est aussi un grand chasseur qui peut aussi se nourrir de restes ; voire de charognes : c'est un opportuniste et un animal original par son organisation sociale où dominent les femelles ... 

 

(ndlr : sur l'image ci-contre, à l'extrème droite...)

 

N'a-t-elle pas l'air inoffensive avec son pelage blond-platine ? Et pourtant... C'est le mammifère qui possède les mâchoires les plus fortes. La pression exercée sur certaines prémolaires de la hyène est de 3 tonnes au centimètre carré ! Une pression équivalente au... grand requin blanc. Chez l'homme, environ 15 à 20 kilos ! Les hardes de hyènes défendent leurs territoires qui sont de taille extrêmement variable. Cependant, ils leur arrivent souvent de faire de longues distances pour aller chasser.

(sources : www.larousse.fr/encyclopédie/vie-sauvage/hyene).

 

Toute ressemblance avec des personnages vivants

ou ayant existé ne serait que fortuite...

 

Reprenons notre récit... outre le dindon et la hyène, le canard, le castor, l'ours, et d'autres animaux s'étaient aussi inscrits à cette élection royale : mais le plus étonnant fut l'ornithorynque. Quelques jours auparavant eut lieu le grand débat public pré-électoral devant une immense foule où chacun était venu écouter son favori ; chaque candidat eut son temps de parole dans un ordre tiré au sort ; la hyène tout d'abord qui, avec son ricanement très caractéristique tint à saluer ses amis : le nouveau roi des pygargues à tête blanche, les requins de la Mer Rouge, l'ours de Sibérie, le scorpion de Damas, puis exposa son programme dont on ne retiendra que le slogan : les hyènes d'abord ! Le canard développa ses projets : lutte contre la grippe aviaire, interdiction du gavage des palmipèdes estimant que son peuple avait payé un trop lourd tribu à ces fléaux ; le dindon, (de Saint Renan, à gauche sur la carte de la Bretagne) déroulait son discours sur le mode « peace and love », proposait de légaliser le calumet de la paix et décrétait la pauvreté illégale, et proposait que les femmes qui le souhaitaient puissent se voiler ; il conclut en se disant très amer de constater que la grande majorité de ceux qui avaient écrit, juré de le soutenir l'avaient traîtreusement abandonné... pour finalement faire allégeance à … l'or-ni-tho-rynque …!

 

Ainsi, la cote de ce dernier montait... montait... On l'avait vu partout ces temps-ci allant haranguer les foules qui buvaient ses paroles... « Il est si jeune, si séduisant, et déjà si sûr de lui » pensaient celles qui se pâmaient d'aise autour de celui qui terminait tous ses meetings, extatique, les bras en croix, comme pour faire comprendre qu'il faisait entièrement don de lui-même à une cause qui dépassait sa petite personne ; quelque chose de l'ordre du divin... Ce qui n'était pas pour déplaire aux grenouilles (de bénitier, bien sûr !). Mais revenons à notre grand débat public devant une immense foule... 

C'était au tour du castor de développer ses arguments : très habilement il mit en avant son expérience en matière de construction de logements et de barrages ; sa connaissance et son respect de la nature, l'utilisation rationnelle des eaux et forêts, le sens de la famille ... etc ... Le débat parut interminable et ce que dirent les quelques autres prétendants au trône n'a que peu d'importance et ne mérite guère d'être rapporté. Ils nous excuseront.... Tous attendaient avec impatience, acquis d'avance pour certains, sceptiques ou curieux pour d'autres, tous attendaient l'intervention de l'ornithorynque, apparu comme un météore dans cette compétition ; qu'allait-il dire ? allait-il rassurer ses admirateurs du début de sa campagne qui semblaient maintenant s'impatienter ? Allait-il faire mentir les mauvaises langues qui ne voyaient en lui que bateleur et bonimenteur ? Allait-il enfin donner des précisions sur ce qu'il entendait faire s'il était élu « Roi des animaux » ? Rien de tout cela ! Habilement, il loua tout d'abord les mérites des uns et des autres, disant se reconnaître -un peu, beaucoup, presque passionnément- dans le programme de chacun, même s'il n'était d'aucun bord ! « C'est bien simple avec vous » le coupa l'un de ses concurrents « vous êtes d'accord avec tout le monde ! ». En fait, cet ornithorynque, personne ne l'avait vraiment vu avant... on en avait vaguement entendu parler et, paraît-il, il était dans les petits papiers du défunt roi... Mais, était-ce une garantie ? Lui disait qu'il n'était ni de droite, ni de gauche... ni du centre, ce qui ne rassurait personne, ni les emplumés, ni les bêtes à poils, à écailles, et autres. Seul Kaa, le serpent hypnotiseur, son porte-parole de sa voix qui se voulait apaisante, répétait à chaque sceptique qu'il rencontrait : « Aie confiance, crois en lui... ». L'histoire ne dit pas s'il eut une grande influence, mais effectivement, la cote du « drôle d'animal » montait... montait... toujours... Mais jusqu'où ? Et jusqu'à quand ?

 

Aie confiance.....

Crois en moi ......

Lors de ce grand débat, la bestiole fut bien obligée de se dévoiler, et d'exposer ses prétendus avantages sur ses concurrents. Médusée, la foule entendit ce discours : « Je prétends être le meilleur candidat ; je prétends qu'ici sont réunis les meilleurs candidats, chacun dans son espèce (les animaux avaient banni le terme de « race ») pour prétendre porter la couronne royale ; mais MOI, je prétends être la parfaite synthèse de toutes les qualités requises pour revêtir la couronne royale ; je prétends donc avoir le meilleur programme et les meilleurs atouts. (ndlr : ainsi avait-il commencé à « pérorer » par anaphore, technique « gagnante » qu'il avait apprise du défunt roi). Et je vais vous expliquer pourquoi : le canard n'a-t-il pas brillamment passé les épreuves qui lui valent d'être ce soir un sérieux candidat ? Et bien, j'ai un bec de canard -qui plus est- muni de dents, et en cela, je n'ai rien à envier à Mme la hyène que je respecte et dont j'approuve le programme ! (ndlr : en fait là, l'ornithorynque mentait un peu ; s'il est vrai qu'il naît avec des dents, il les perd progressivement ! Pas la hyène !). Certains vantent -à bon droit- les mérites du castor : mais, n'ai-je pas comme lui un appendice caudal, qui comme pour lui me permettra d'ondoyer dans les eaux parfois troubles du pouvoir ? Certains, enfin, me trouvent un peu tendre : qu'on ne s'y trompe pas : mes pattes arrières sont munies de griffes redoutables et surtout … elles sont reliées à une glande à venin … très douloureux !  Voilà pourquoi je suis le meilleur ! »

 

Cette histoire pourrait durer encore longtemps. Mais il est temps d'y mettre un terme, et pourquoi pas ? de lui trouver une morale.... Un couteau suisse c'est pratique ; mais dès qu'il s'agit de travaux quelque peu plus conséquents, c'est un peu juste ; à plus forte raison quand il s'agit de savoir qui portera la couronne royale...

 

Mais il y a peut-être aussi une autre morale :

et si le meilleur candidat n'était aucun de ceux ici présentés ?

 

République-Avenir n'a pas la prétention de savoir qui est le meilleur candidat et encore moins la volonté, ni même le droit d'influer sur les opinions de quiconque. Toutefois, et c'est non seulement son droit, mais c'est son devoir, conformément à ses statuts, d'inviter ceux qui auront lu cette historiette, à bien prendre en considération la réalité des convictions républicaines des candidats sur chacun des termes de la devise de notre Pays :

 

LIBERTÉ ÉGALITÉ FRATERNITÉ

 

mais aussi, sur ce qui fonde le pacte citoyen :

 

la LAÏCITÉ et la SOLIDARITÉ.

 

Vive la République.

Alain Mourot

Président de

République-Avenir

 

 

Remarque : tout ce qui a été dit sur les animaux est perfaitement véridique et vérifiable