La Laïcité, pilier de la République,

pilier du « vivre ensemble »

( Partie 5 sur 5 )

 

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Rappelons pour conclure, que la loi du 9 décembre 1905, dès son article premier : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » rappelle strictement et uniquement l'esprit de l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi ».

 

Concernant les cultes, l’article deuxième dispose que : « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. »

Ainsi, le catholicisme perd-il, aux yeux de la République, sa prééminence passée sur les autres religions ; en revanche, d’aucuns reprocheront à la laïcité son manque de reconnaissance des « racines chrétiennes » de la nation. À l’opposé, les religions et spiritualités plus confidentielles se retrouvent à rang égal avec les courants religieux principaux, le mot « culte » ayant ici le sens générique de « religion ». Ce dernier point est capital et signifie que « moderniser » la loi de 1905 au motif que l'islam ne faisait pas partie du paysage religieux français au moment de sa promulgation est inutile, contrairement aux prétentions de ceux qui voudraient le faire ; ils se trompent. Ou cherchent à tromper l'opinion...

Ainsi, cette loi de séparation des Églises et de l’État amène l’État à renoncer à tout droit de regard sur l’organisation des Églises, et exige en contrepartie la formation d’associations cultuelles qui seront les interlocuteurs exclusifs de la République. Plus généralement, les pouvoirs publics s’interdisent toute intervention, positive ou négative, dans les questions religieuses, ce qui marque une rupture importante avec le régime concordataire précédent. Cela signifie bien, quoi qu’en disent ses détracteurs, que la loi de 1905 n’est pas une loi contre la (ou les) religions et pour mieux le comprendre, il convient de revenir à … 1585, à l’Édit de Nantes.

Rappelons-nous ce qui a été dit dans cette rubrique à ce sujet : « il (l’ Édit de Nantes) garantit la liberté de conscience religieuse partout dans le royaume…/… il marque un tournant capital dans l’histoire des mentalités …/… sa signature opère une distinction entre le sujet politique, qui doit obéir à la loi du roi dans la sphère publique, et le croyant, libre de ses choix religieux, dorénavant cantonnés à la sphère privée…. ».

Ce qui, trois siècles plus tard, fait dire à Ernest Renan : « Être laïque c’est être anticlérical ; mais être anticlérical, ce n’est pas être antireligieux, c’est considérer Dieu de droit privé et non de droit public. »

 

Sur le plan financier, cette loi du 9 décembre 1905 paraît contraignante pour les Églises : les associations cultuelles ne peuvent remplir de rôle caritatif, pas plus qu’elles ne peuvent enseigner, ce qui les prive d’une manne importante. En outre, elles ne peuvent recueillir ni dons ni legs. Elles doivent assurer la gestion des biens confisqués à l’Église, devenus propriété de l’État. Enfin, les ministres du culte ne sont plus salariés par l’État. Finalement, la prise en charge de l’entretien des bâtiments par l’État sera très avantageuse pour l’Église catholique.

 

Les conséquences :

La loi met fin à la tradition qui datait de Clovis, d’une « France fille aînée de l’Église ». Elle est donc saluée par les anticléricaux, comme en témoigne une allocution prononcée le 8 novembre 1906 à la Chambre des députés, par René Viviani, futur président du Conseil : « Tous ensemble, par nos pères et par nos aînés, par nous-mêmes, nous nous sommes attachés dans le passé à une œuvre d’anticléricalisme, à une œuvre d’irréligion. Nous avons arraché les consciences humaines à la croyance. Lorsqu’un misérable, fatigué du poids du jour, ployait les genoux, nous l’avons relevé, nous lui avons dit que derrière les nuages il n’y avait que des chimères. Ensemble, et d’un geste magnifique, nous avons éteint dans le ciel des lumières qu’on ne rallumera plus. Voilà notre œuvre, notre œuvre révolutionnaire. Est-ce que vous croyez que l’œuvre est terminée ? Elle commence au contraire. »

Avec des accents lyriques, René Viviani résume bien la pensée dominante des anticléricaux ; mais surtout, il fait preuve de clairvoyance et pressent bien que le combat laïque n’est pas achevé ! Et si cette loi est globalement bien accueillie par les juifs et les protestants, elle est combattue avec véhémence par le pape Pie X

« Qu’il faille séparer l’État de l’Église, c’est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l’État ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d’abord très gravement injurieuse pour Dieu. […] Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l’honorer» !

Des fidèles catholiques (parfois extérieurs à l’Église, comme l’Action Française à Paris) et des ecclésiastiques s’opposent violemment aux inventaires 1906. Devenu président du Conseil, Georges Clémenceau décide rapidement de ne faire les inventaires qu’aux endroits où l’on n’attend pas de résistance. En janvier et mars 1907 deux nouvelles lois sont prises sous l’égide d’Aristide Briand, alors ministre des Cultes, pour ne pas créer un « délit de messe », malgré le refus d’appliquer la loi de la part de bon nombre de catholiques.

 

Comme quoi, les Laïques savent faire des accommodements,

même avec … le Diable !

 

Depuis 1945 : la laïcité constitutionnelle :

Après avoir été remise en cause sous le régime de Vichy (qui favorise l’enseignement catholique, reconnaît les congrégations et subventionne l’école privée), la Laïcité de l’État est affirmée dans la Constitution de 1946, puis dans celle de 1958. Le corpus législatif poursuit lui aussi la laïcisation de la société, notamment en matière d’éducation, de politique familiale, dans l’équité entre hommes et femmes, la santé, etc...

 

Désormais, le socle républicain de la laïcité se résume à trois termes :

« La liberté de conscience, puisque l’État ne persécute aucun culte ; l’égalité en droit de ces cultes, qui oblige à les traiter tous de manière identique ; enfin, la neutralité, du pouvoir politique, qui s’abstient de toute ingérence dans les affaires spirituelles, comme il entend que les Églises s’abstiennent de revendiquer le pouvoir temporel, notamment dans les choses de l’éducation ».

 

L’article 1er de la Constitution de 1958 : l’œuvre est achevée !

Depuis la loi constitutionnelle du 4 août 1995, la laïcité ne relève plus de l’article 2 de la Constitution, mais de l’article premier qui dispose :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

Ce passage de l’article II à l’article I est fondamental : il supervise la lecture du texte constitutionnel. En conséquence, toutes les institutions de la République doivent répondre aux caractères d’un État laïque, à commencer par le président de la République, puisqu’il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

Pour le Conseil constitutionnel, l’art 1er de la Constitution contient le « principe d’unicité » du peuple français ; ses principes « s’opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance ».

En conclusion

 

Après pratiquement un millénaire de « gestation », d’avatars, d’avancées, de luttes, de recul, de renoncement, de combat de la raison contre les croyances est née une idée simple, mais impensable depuis la nuit des temps : si les dieux pouvaient être les maîtres de l’Olympe, il revenait aux hommes d’assurer ici-bas leur destin et de se forger librement une opinion par eux-mêmes ; de s’approprier les croyances de leur choix, si tel est leur désir ; mais aussi de se forger leurs opinions, si telle est leur volonté et de se doter des lois de leur choix si tel est leur intérêt ; la laïcité est formée de deux idées simples, mais qui de tous temps ont paru contradictoires, irréductibles et inconciliables :

La première est que le pouvoir politique, parce qu’il a vocation à gérer le bien public dans l’intérêt du plus grand nombre, et en respectant les minorités, doit être sécularisé ; il est l’affaire de tous et en vertu du principe démocratique, relève de la sphère publique : c’est la RES PUBLICA ;

La seconde idée est que les opinions idéologiques, philosophiques, politiques, toutes les croyances, sont affaires de choix personnel, de conscience de chacun, et, relèvent exclusivement de la sphère privée et peuvent donc s’exprimer dans le strict respect de l’ordre public.

C’est ce juste équilibre, ce mélange harmonieux entre ces deux composantes, dans le respect mutuel et réciproque des droits et devoirs de chacun, et par chacun, qui est la condition sine qua non du « vivre ensemble ».

Nous pourrions terminer en disant que, constitutionnellement, la laïcité est désormais un attribut du droit et de la République, qui rend possible le « vivre ensemble » au sein d’une communauté, tout en constituant l’antidote du communautarisme et rend encore plus belle cette parole d’Antoine de Saint Exupéry : « Si tu diffères de moi, frère, loin de me léser, tu m’enrichis »…

Laïcité et République sont devenues indissociables l’une de l’autre ce qui autorise Robert Badinter à écrire : « la République est laïque, ce qui veut dire que la laïcité est républicaine »… 

 

 

 

FIN provisoire... car...

n’oublions jamais que la Laïcité est comme le Bonheur, la Paix ou la Santé :

un bien précieux…

mais fragile, instable, et qu’il convient de protéger.

Rien n’est jamais acquis…