Nos idéaux républicains sont-ils recevables

au sein de toutes les cultures ?

 

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Depuis les attentats du 11 septembre 2001, est apparue au grand public l'expression « choc des civilisations », titre d'un ouvrage de Samuel Huntington, politologue américain pour qui la principale ligne de fracture (de civilisation, au sens large -ndlr) passe entre l'Occident et le reste du Monde car selon lui, seul l'Ouest valorise « l'individualisme, le libéralisme, la Constitution, les droits humains, l'égalité, la liberté, le règne de la loi, la démocratie, les marchés libres ». Ici, le fond et la forme n'engagent que leur auteur. (1)

 

Cette vision du Monde en deux « blocs », dont l'un serait constitué de manière globalement homogène de Nations prônant, grosso-modo, les valeurs ci-dessus indiquées et empreintes de notions judéo-chrétiennes, et un autre bloc, plus éclaté et constitué de plusieurs puissances dont les « alliances-distanciations » se font et se défont au gré des circonstances, cette vision du monde renforce l'idée, voire la réalité -vraie ou supposée- d'une opposition radicale des civilisations. C'est ainsi qu'à ce jour on classe communément ces deux blocs ainsi : l'Occident, avec à sa tête une superpuissance -les États-Unis- qui ces toute dernières années semblent infléchir assez considérablement leur volonté d'hégémonie et ne plus vouloir être aussi omni-présents sur la scène internationale ; et d'autres puissances : la Chine, tout d'abord, sur le plan économique (deuxième rang mondial, derrière les États-Unis) et démographique (pays le plus peuplé du Monde) ; la Russie, qui après l'éclatement du bloc soviétique, et malgré d'évidentes carences économiques, tente de retrouver -via la diplomatie- sa place d'antan au niveau international, et laisse entrevoir des velléités de retrouver son autorité sur les pays de l'ex. bloc soviétique ; l'Afrique -mosaïque de pays très disparates sur tous les plans mais qui jouit de trois atouts : démographique, taux de croissance en hausse chaque année de 5% à 6% grâce à ses ressources minières et pétrolières. Mais hélas ! ces ressources ne profitent pas également à tous… ; en pénultième position de cette énumération, l'Inde, communément appelé le « sous-continent indien » qui quelques années après son indépendance survenue en 1947 a connu une phase d'expansion, mais demeure un pays où la pauvreté, la corruption, l'analphabétisme, les carences sanitaires demeurent de graves problèmes ; cependant, l'Inde est en passe de devenir à l'horizon 2020 le pays le plus peuplé au Monde ; enfin, le monde arabo-musulman, lui-même très disparate, éclaté, écartelé entre deux tendances opposées qui se déchirent : les Chiites et les Sunites, dont chacune entend bien imposer ses vues à l'autre...

 

Cette actuelle (ré)partition du monde va dans le sens de l'Histoire et est la dernière phase en date d'un long processus. Sans remonter à l'époque des cavernes où les hommes vivaient en tribus, il convient de constater que ceux-ci -pour ce qui est de l'actuelle Europe et du Bassin méditerranéen- se sont d'abord regroupés en villes (Babylone,Troie, Spartes, Athènes, Alexandrie, etc...) avant de se constituer en « fiefs » , le plus souvent de taille modeste, puis au fil des ans, en comtés, principautés ou encore, en républiques. Mais ces transitions successives ne se sont pas faites sans douleur et nous avons tous en tête les scènes de massacres, de saccages, de pillages, d'incendies des villes etc... que nous retenons de nos cours d'Histoire… telle la fameuse phrase -plus que probablement légendaire- de Clovis : « Souviens-toi du vase de Soissons »... Mais ça... c'était avant ! Pour autant, cette volonté d'hégémonie, de domination, qu'elle soit à l'échelle planétaire -au sens de ce qui est indiqué en début de cet article- ou à un niveau infra -comme indiqué dans ce paragraphe- procède dans les deux cas du même projet : imposer à l'autre sa propre vision du monde, ses propres valeurs.

 

Les puissances coloniales (européennes principalement : Espagne, Portugal d'abord, puis Angleterre et France ensuite) ont procédé de la même manière : s'emparer de territoires - de leurs richesses et des populations qui constituaient autant de bras, voire de combattants en cas de nécessité-, sans se soucier de l'intérêt des populations concernées, ni de l'aspect « moral de la chose ». Il est vrai que les Ibériques se sont retranchés derrière des considérations religieuses -convertir les Amérindiens au catholicisme-, alors que ce qui les intéressait, c'étaient les mines d'or ; pragmatiques, les Anglais étaient motivés par le commerce et le désir d'accroître le domaine et le nombre de sujets au service de la couronne de « sa très gracieuse Majesté » ; les Français, certes empreints de scientisme matérialiste et des idéaux du Siècle des Lumières n'ont pas dédaigné -c'est un euphémisme !- jusqu' au début du XIXème siècle user du « commerce triangulaire ». Ce n'est officiellement qu'à compter du décret Schœlcher, signé par le Gouvernement provisoire de la IIème République (27 avril 1848) qu'a été aboli -définitivement- l'esclavage, en France et dans ses colonies.

 

Si tous ces évènements, toutes ces conquêtes se sont toujours faites, du point de vue de leurs « acteurs », au nom d'une bonne cause, d'un idéal, il ne faut pas en oublier, ou en méconnaître les deux raisons fondamentales qui entrent en synergie : la recherche de biens (métaux, cristaux, denrées précieuses, terres nouvelles, main d’œuvre à bon marché...) et l'imposition d'un « modèle » à des peuples qui n'en demandaient pas tant : christianisation, civilisation de « sauvages », modernisation, alphabétisation, etc... Et cela, sans aucunement se poser la question : nos valeurs, nos idéaux sont-ils exportables, recevables partout ? Autrement dit, notre mode de vie, avatar de l'Histoire, de notre Histoire est-il « placable », transposable sans transition à tout peuple, toute civilisation ? Pour ce qui concerne la France, ex grande puissance colonisatrice, la question revient à dire : nos idéaux républicains sont-ils recevables au sein de toutes les cultures ?

 

Ces idéaux républicains, quels sont-ils ? Le 26 août 1789 l’Assemblée nationale constituante a voté un texte « solennel » intitulé « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». Cette proclamation révolutionnaire fut placée en tête de la Constitution française de 1791. Elle contient 17 articles : courts, généraux (voir Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen sur ce site) indiquant des principes fondamentaux, qui prévalent encore de nos jours et forment le socle des « idéaux républicains » : par exemple : « l’égalité en droit de tous les citoyens » (art.1; la défense des « droits imprescriptibles » : la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression (art.2) ; la souveraineté de la Nation : (art.3) ; la définition de la Liberté : (art.4) ; définition, rôle et limites de la loi : (art.5 à 8) ; la présomption d'innocence : (art.9) ; « le respect des opinions et des croyances » (art.10) ; la liberté d'expression : (art.11 ) ; la force armée : (art.12) ; ou encore « la répartition équitable des impôts » (art.13) et le contrôle de ces derniers (art.14) ; le contrôle de la gestion publique : (art.15) ; la séparation des pouvoirs :(art.16) et enfin, le droit à la propriété (art.17) qui, avant la Révolution n'était jamais acquis

 

Le contenu de la Déclaration des droits de l’homme se popularisa immédiatement sous la forme « d’idéaux républicains » : liberté, égalité, fraternité, solidarité, lesquels se sont, depuis la Révolution, et au fur et à mesure des conquêtes sociales, enrichis de nombreux autres principes : école publique gratuite et obligatoire ; liberté de la presse, liberté syndicale, pluralisme politique, droit d’association, séparation des Églises et de l'État, (laïcité) congés payés, sécurité sociale, égalité de droits entre les hommes et les femmes, droit à l'avortement, etc… Sans oublier, même si ce n'est pas un droit : c'est un principe « supérieur » : l'abolition de la peine de mort.

La France, à juste titre, -mais les Français eux-mêmes, peut-être pas assez !- est très fière de ses « idéaux républicains » et depuis l’avènement de la République, chaque homme politique se pose en « défenseur de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ». Ces idéaux sont-ils vraiment mis en pratique dans la vie citoyenne ? La réponse appartient à chacun qui, individuellement , choisira de militer -ou pas- dans tel ou tel parti ou association de son choix.

 

Fondés sur la liberté individuelle, sur la reconnaissance et la compréhension de l'autre, sur la dignité de l'homme et sur l'indépendance de l’État à l'égard des influences dogmatiques, qu'elles soient d'ordre philosophique, métaphysique ou politique, les idéaux républicains constituent le moyen d'une véritable solidarité, offerte en partage à chacun, en dehors de tout esprit de ségrégation. C’est la Fraternité. Mais les idéaux républicains comme la démocratie, la Laïcité, la solidarité, le respect de la personne humaine, demandent un apprentissage basé sur le respect de son prochain ; sur la tolérance et la volonté de compréhension mutuelle.

 

Nos idéaux républicains sont d’abord et avant tout le fruit d’une histoire, d'un contexte sociétal, d’une succession d’événements, de processus sociaux, etc…, propres à notre Pays, bref, les raisons en sont essentiellement politiques. Toutes les sociétés sont-elles arrivées au même stade selon le même processus ? Certes, non. Ainsi, quel rapport existe-t-il, quelle comparaison est-elle possible, par exemple, entre une société basée sur un système tribal et une royauté ? Une démocratie et une théocratie ? D'où la pertinence de la question : nos idéaux républicains sont-ils recevables au sein de toutes les cultures ? Le principe de séparation des pouvoirs –législatif, judiciaire, exécutif- ; les notions de sphère privée, de sphère publique et leur nécessaire distinction qui est devenue un des fondements des démocraties occidentales ont-elles cours universellement ? Malheureusement, non, aussi, pouvons-nous en conclure provisoirement que nos « idéaux républicains », tels que nous les concevons, ne sont pas nécessairement recevables au sein de toutes les cultures… Et inversement, nous y reviendrons...

Mais... qu'entend-on par culture ? Culture et civilisation sont-ils deux termes équivalents, interchangeables ? Selon l’anthropologue américain TYLOR, « La culture ou la civilisation, entendue dans son sens ethnographique large, est cet ensemble complexe qui comprend les connaissances, les croyances, l'art, le droit, la morale, les coutumes, et toutes les autres aptitudes et habitudes qu'acquiert l'homme en tant que membre d'une société ». Ainsi, la construction, l’avènement, la maturation d’une culture, dans quelque endroit du Monde que ce soit, impliquent les mêmes questions que nous venons de (nous) poser à propos de la construction des idéaux républicains dans notre Pays. La lecture de ce qui est dit précédemment, implique que les idéaux républicains sont aussi divers que les sociétés, que les cultures qui les ont engendrés, et par voie de conséquence, on ne peut guère imaginer une sorte d’universalité de ces idéaux. Et penser, voire, affirmer, de manière franco-française que nos idéaux sont –ou seraient- recevables dans toutes les cultures ne relève–t-il pas d’une forme de néo-colonialisme ? Ou de nostalgie d'une époque coloniale révolue ?

 

Pour autant, nos idéaux républicains ont été -pour une grande part- repris dans la « Déclaration universelle des Droits de l’Homme » de 1948 (2) ; certes, celle-ci n’a aucun pouvoir contraignant, et au niveau international n'est qu'une force morale. Les idéaux qui restent à conquérir -mais surtout, à faire comprendre, admettre, partager- ne devraient-ils pas être portés par des esprits libres, parfois à contre-courant, mais porteurs d'espérance dans les progrès à venir ? On dit parfois que la société est en panne, qu'elle stagne, voire, qu'elle régresse. Mais ici, ne raisonnons pas en termes de structure politique au sens où l'entendait Hobbs dans son livre « Léviathan » (1) mais au niveau de la culture et là est la difficulté ; par exemple, lorsque Léonard de Vinci fait sur les cadavres des champs de batailles, des recherches sur l'anatomie, au péril de sa vie car c'est interdit par l'Église, il fait preuve de liberté, de rébellion, et en tout cas d'indépendance face à celle-ci ; il fait avancer la notion d’intérêt général, de sphère publique parce qu'il fait progresser nos connaissances en matière d'anatomie... Et l'on pourrait décliner à l'envi maints autres exemples... et de grandes ruptures ont souvent été l'occasion de très grandes avancées : les Révolutions (1789 – 1830 – 1848), la Commune, le Front Populaire, la Résistance qui a engendré les acquis du Conseil National de la Résistance, Mai 68, qui n'a pas, selon qu'on est pour, que des aspects positifs, ou contre, que des aspects négatifs...

 

Dans l'idéal, quel devrait être le but de toute société ? celui de tendre vers l’amélioration de chaque individu, en contribuant à le transformer en HOMME libre et par voie de conséquence, vers le perfectionnement de la société qui ainsi, idéalement serait constituée de citoyens égaux, éclairés, responsables… C'est la voie que tracent les philosophes du « Siècle des Lumières » qui se développe dès la fin du 17ème siècle en Angleterre et en Écosse, puis s'étend à la France, à l'Allemagne dès le début du 18ème siècle qui s’inscrit dans un contexte culturel européen et … chrétien : les idéaux qui en découlent ne sauraient être déconnectés de ce contexte tout au moins culturel.

 

Mais il ne faut pas perdre de vue que chaque société est -par construction- spécifique, unique par ses origines, son Histoire, et notamment, grandement par la place -institutionnelle ou pas- qu'y occupe la religion. En France la Laïcité est constitutionnelle et l'article 1er de la Constitution de 1958 le stipule : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Les Américains inscrivent -sur le dollar- « In God we trust » (En Dieu nous avons foi) alors même qu'une stricte séparation entre les Églises et l'État (Fédéral) est inscrite dans la Constitution des USA qui date de ...1776 ! Ce qui n'empêche pas que lors de son investiture, le Président prête serment sur… la Bible... ! Pour ne citer que l'Europe, 6 pays ont une religion d'État ; 8 appliquent une séparation des Églises et de l'État ; 14 ont un régime concordataire. (3)

 

Mais revenons à la France. Il est très important de jeter un regard rétrospectif sur son Histoire pour mieux comprendre comment s'est élaboré, après de très nombreux siècles, ce concept des « idéaux républicains ». Contrairement à certains qui voudraient ne voir de racines que chrétiennes à la France, il faut reconnaître que cette assertion est totalement fausse ; bien entendu, personne n'est dupe, il s'agit-là d'une posture politique afin de séduire un certain électorat. Plus sérieusement, si l'on regarde loin, très loin dans le passé, depuis plus de trois millénaires, des peuples, divers et variés sont venus dans ce qui ne se nommait alors pas encore la Gaule, et leurs successeurs n'ont cessé de venir occuper son territoire : environ vers l'an -1000 av. notre ère, les Celtes, venus du Nord (qui deviendront les « Gaulois ») ; les Romains qui, s'y installèrent durant près de quatre siècles ; vers l'an 400, les Vandales -du Nord, encore-, les Burgondes, les Alains, les Francs, les Huns, etc...

 

Même si Clovis se serait fait baptiser (en 496) pour honorer le serment -dit la légende- qu'il auvait fait à son épouse (Clothilde), cela ne fait pas les « racines chrétiennes » de la France. Et même si, encore selon la légende ! deux Marie (Jacobé et Salomé, parentes du Christ), parce que persécutées et fuyant la Palestine, auraient accosté à l'emplacement de l'actuelle commune des Saintes Maries de la Mer, il ne faut pas oublier que Massalia (actuelle Marseille) fut fondée au VI ème siècle avant notre ère par des marins de Phocée (dans la Turquie actuelle), mais aussi que des Hébreux y prospérèrent cinq siècles avant que la France ne fût déclarée la « fille aînée de l'Eglise » ! (4). Il ne faut pas oublier non plus que nombre de « saints » sont à l'origine des personnages païens, « récupérés » pour les besoins d'évangélisation de la population ! Et dans ce cas, ne pas oublier de mentionner les racines « païennes » de la France, bien antérieures aux racines chrétiennes.

 

Pendant longtemps, les sociétés occidentales, fortes de leur suprématie technique, de leurs richesses intellectuelles et matérielles, ont élaboré un ordre, à l’image de leur civilisation, de leur culture, ordre qu'elles ont décrété universel et se sont engagées dans la propagation plus ou moins forcée de celui-ci à l’ensemble des peuples et des nations qu'elles avaient commencé à coloniser. Et si la suprématie technique fut le plus souvent reconnue et acceptée par les colonisés, en revanche, les valeurs culturelles, et surtout religieuses se heurtèrent violemment à l’identité culturelle propre de ceux auxquels elles entendraient s’imposer, puis se substituer, parfois avec un certain grotesque : rappelons-nous le fameux : « nos ancêtres les Gaulois » que l'on apprenait aux enfants des colonies africaines ou maghrébines... !

 

La devise « Liberté-Égalité-Fraternité » en tant que telle (et surtout, prise dans sa globalité) n’a de sens profond qu'au regard de l’histoire de notre pays. Pour autant, l'existence universelle de ces trois concepts ne fait aucun doute ; mais n'a pas la même valeur symbolique partout. Ainsi donc, tous les peuples, toutes les cultures ne peuvent accepter d’emblée comme leurs toutes les valeurs qui leur sont proposées (et encore moins, imposées) au motif qu’elles seraient universelles car ils ne s’y reconnaissent pas. Gardons-nous donc de toute velléité à projeter dans le monde des valeurs et des idéaux d’abord occidentaux, sous prétexte qu’ils seraient universels. A cet égard rappelons-nous le film boulversant de Nicolas Ray « Les dents du diable », sorti en 1960 avec Anthony Quinn qui tenait le rôle d'Inuk, un esquimeau offensé par le refus d'un missionnaire auquel il offrait sa femme pour lui être agréable, et, qu'il tue. Poursuivi par deux policiers, il s'enfuit. L'un des deux hommes meurt de froid tandis que l'autre est sauvé par Inuk ». Ce film montre bien le fossé géant qui peut exister entre deux cultures, deux civilisations si différentes...

 

En guise de conclusion …

Doit-on pour autant se satisfaire de ce que l’on voit autour de nous ? Doit-on, par exemple, au motif, du respect du droit des Peuples à –soit disant- disposer d’eux-mêmes se laver les mains de ce que l’on voit ? N’y a-t-il pas une sorte de devoir humaniste à –parfois- devoir intervenir au risque d’être soupçonnés de dérive néo-colonialiste ? L’horreur et la terreur imposées au monde par les djihadistes, prétendument au nom d’une religion alors que leur comportement relève de la pure barbarie, n'amènent-elles pas à considérer que malgré toutes les raisons que l’on peut avoir de penser que nos idéaux républicains, pour non réellement universels qu’ils soient, méritent malgré tout, d’être exportés là où cela est nécessaire, même si, dans un premier temps, ils ne sont pas –a priori- désirés ?

 

Soyons optimistes ; pas béats, mais utopistes. Certes, la tâche n’est pas achevée et nous avons encore beaucoup de travail pour réaliser une humanité meilleure et plus éclairée. D'illustres anciens ont posé les grandes bases : les Grecs d'abord, qui ont « inventé » la philosophie, la démocratie ; les Romains ensuite, qui ont « inventé » le droit ; puis le « quattrocento » apparaît, à Florence d'abord, puis un peu partout en Italie, en France et dans le reste de l'Europe, véritable bouilllonnement culturel et artistique ; l'avènement du protestantisme qui jouera un rôle considérable dans l'apparition du concept de Laïcité ; le Siècles des Lumières, avec sa cohorte de philosophes ; la Révolution française qui a permis -avec les philosophes anglais- l’élaboration des idéaux républicains ; n’oublions jamais notre devoir moral de continuer à les propager. Pas les idéaliser, mais simplement les faire vivre, les expliquer.

 

L'une des armes les plus nécessaires en l'occurence, est probablement le dialogue ; mais attention, comme l'a dit Esope, la langue est la meilleure mais aussi la pire des choses... Le dialogue, l'écoute, la concertation sont autant de moyens de connaître l'autre ; or si la citation de Paul Valéry a un sens : «  La guerre est un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas. », alors gageons que sa mise en œuvre sera un premier pas vers la concorde ; dans un second temps, les échanges -culturels, artistiques, scientifiques- seront autant de points partagés en commun permettant à ceux qui, hier se regardaient en « chiens de faïence » de comprendre l'autre et d'admettre que les différences entres les civilisations ne doivent pas être tenues pour indépassables, mais comme autant de points particuliers appartenant à des cultures différentes pouvant enrichir la multitude. « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser tu m'enrichis » a écrit Antoine de Saint Exupéry. Pour autant, il y a des limites : le respect de la dignité humaine et le respect de son intégrité physique ; rien ne saurait justifier l'excision, par exemple...

 

Utopie ? Angélisme ? Peut-être... mais je voudrais terminer par trois (petites) citations qui peuvent inciter à la réflexion : la première est de Churchill : « La démocratie est le pire système de gouvernement, à l'exception de tous les autres » ; la seconde est du philosophe latin Sénèque : « Ce n’est pas parce les choses sont difficiles que nous n’osons pas ; c’est parce que nous n’osons pas qu’elles nous paraissent difficiles » ; et enfin, la dernière est la devise de Guillaume d’Orange : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».

 

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Notes 

  1. Voir l'article : « https://monde-diplomatique.fr 2001/10/ALI/7892 »

    et l'article : « https://la-philosophie.com/leviathan-hobbes »

     

  2. Déclaration universelle des droits de l'Homme, signée le 10 décembre 1948 à Paris (Palais de Chaillot) par les 58 États que comptaient alors l'ONU. Cette déclaration s'inspire grandement de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen française... mais le terme de « citoyen » a disparu : il restait encore de nombreux … sujets de leurs monarques respectifs...

  3. En Europe, le régime de religion d'Etat prévaut dans six pays: le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Grèce (orthodoxie), la Grande-Bretagne (anglicanisme en Angleterre, presbytérianisme en Ecosse) et Malte (catholicisme). Huit autres appliquent le principe de séparation des Eglises et de l'Etat (Hongrie, Lettonie, Portugal, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suède et France). Mais l'Hexagone est le seul État à avoir inscrit ce principe de laïcité dans sa Constitution. Enfin, certains pays connaissent un régime concordataire (Allemagne, Autriche, Espagne, Italie, Portugal, Luxembourg, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie et France - en Alsace-Moselle). L'irruption de l'islam sur le Vieux Continent et la difficulté de son intégration - illustrés par le débat autour du voile à l'école - ont ravivé les tensions entre les partisans d'une séparation très stricte de la religion et de l'État, et les tenants d'une laïcité plus ouverte, tel Nicolas Sarkozy, qui propose de retoucher la loi de 1905 sur la laïcité. Jean-Paul II a lui-même appelé à une «saine et légitime laïcité» plutôt qu'à une «séparation hostile». En Espagne, la violente confrontation entre l'épiscopat et le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero sur la question du mariage homosexuel a jeté de l'huile sur le feu. Aujourd'hui, c'est au tour de la Grèce de contester les liens de la religion et de l'État. L'Église orthodoxe est en effet accusée d'une kyrielle de délits: corruption de juges, trafic d'icônes, abus sexuels sur des séminaristes... (réf. : L'Express », publié le 28/03/2005 ; art. de Claire Chartier).

  4. Voir sur le très catholique et royaliste blog : http://leblogdumesnil.unblog.fr l'article « L'expression « fille aînée de l'Eglise » est-elle due à la France ? » ou sur Wikipédia, l'article : « Fils aîné de l'Eglise »  qui écrit : « L’expression « France, fille aînée de l'Église » est attestée pour la première fois lors du « Discours sur la vocation de la nation française » prononcé le 14 février 1841 par le père dominicain Henri-Dominique Lacordaire dans la Cathédrale Notre-Dame de Paris, évoquant le lien entre le roi Louis XIX alors en exil et sa filiation avec l'Église.                                                                                                                                             République-Avenir                                                                                                                                                                                                           

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