Histoire des banquets républicains
(1ère partie)
Programmant des banquets républicains, notre intention n’est pas de battre le record de participation constaté lors d’un autre banquet républicain, celui de Montélimar qui regroupe depuis quelques années au mois de juillet plusieurs milliers de participants. (le dernier a eu lieu le 3 juillet 2016 ; près de … 7000 personnes y étaient attendues) ; notre intention n’est pas non plus de rivaliser sur le plan gastronomique, avec le « pantagruélique » festin qui fut donné le 13 août 1896 par la municipalité de Laval (Mayenne), en l’honneur de la venue en cette ville du président de la République, festin qui ne comportait pas moins de quinze plats –les plus recherchés- arrosés de Sauternes, Bordeaux (blanc et rouge), Château Lamothe, Mouton Rothschild, Aloxe-Corton, Chambertin, Château Lurs-Saluce, Château d’Yquem, Veuve Cliquot…
Pour autant, notre but est évident ; évident et triple : tout d’abord, il est symbolique, donc pédagogique et le choix des dates ne doit rien au hasard : pour la troisième fois nous avons organisé un banquet républicain (le 25 septembre), date proche du 22 septembre, date de la proclamation de la 1ère République, après la victoire de Valmy (1792). Le thème en était : « La République doit-elle craindre le transhumanisme ? ». Et nous en organisons un autre, le 10 décembre, soit le lendemain de la date anniversaire de la loi dite de « séparation des Églises et de l’État » du 9 décembre 1905, grande loi de la 3ème République, pilier du « vivre ensemble », sur le thème : « La guerre scolaire : la Laïcité en péril ». Or, nous verrons plus loin que c’est précisément entre ces deux Républiques que naissent les banquets républicains.
La deuxième raison est que, ce faisant, nous entendons renouer avec cette tradition, forte en France, des Banquets Républicains qui auront, dès le milieu du 19ème siècle, et jusqu’au début du 20ème, une énorme influence que leurs auteurs ne pouvaient soupçonner …. Certains objecteront peut-être que c’était « hier », et qu’à l’heure d’internet c’est « ringard » ; à ceux-là, nous répondrons, avec une certaine malice, qu’une pendule, même arrêtée, donne malgré tout l’heure juste deux fois par jour …
Enfin, la troisième raison est, celle-là plus directement liée à la raison d’être de l'association « République-Avenir » : prendre toute initiative, impulser toute action propres à faire progresser nos idéaux Républicains : Liberté – Égalité – Fraternité, mais aussi, Solidarité et nous prendrons garde d’oublier ce qui est le ciment, la clé de voûte du vivre ensemble : la Laïcité. Certes, il existe de nombreuses autres façons de décliner, promouvoir, faire connaître et partager nos idéaux ; ce banquet n’est qu’une initiative parmi d’autres et nous ne manquerons pas d’explorer diverses formes dont nous vous informerons, espérant vous y retrouver ; mais dans un premier temps, il n’est pas défendu, ni futile, d’allier l’utile à l’agréable…
Intéressons-nous maintenant, à l’origine, puis à l’importance des banquets républicains. Les premiers banquets républicains (au sens où nous les entendons actuellement) remontent aux mois qui précèdent la révolution de 1848. Organisés initialement dans près de 70 villes, ils avaient pour objectif quasi-exclusif l'élargissement du corps électoral, le suffrage censitaire en usage à cette époque, limitant ce dernier à environ 200.000 électeurs, soit environ 1 électeur –nécessairement « nanti »- pour environ 160 habitants … La démocratie n’existe pas …!
Au plan social, quel est le contexte de l'époque ? Celle-ci est marquée par une crise générale : financière, industrielle, agricole, et la situation, dans toute la
France, est très tendue. En outre, les partis politiques, les syndicats, les associations n’existent pas encore, et les réunions, toujours soumises à demande préalable d’autorisation, sont le plus
souvent interdites …
Voyons ce que le site internet « Wikipédia » dit de cette époque : « Le milieu des années 1840 est marqué en France par une forte crise
économique. La crise est tout d'abord alimentaire : les mauvaises récoltes de 1845 et 1846, ainsi que la déficience des moyens de transport pour acheminer des secours donnent lieu à une hausse des
prix alimentaires, avec son cortège de misère et d’émeutes (comme celles de Buzançais en 1847, qui se soldent par trois condamnations à mort). En 1847, les prix ont doublé par rapport à leur niveau
deux ans auparavant. La crise est symbolique de l'évolution de la France, car s'il s'agit de la dernière crise de subsistances de cette ampleur en France, et c'est aussi l'une des premières crises
capitalistes de surproduction touchant le pays. La bonne récolte de 1847 fait en effet baisser les prix, ce qui gêne les producteurs, qui ont du mal à écouler leur marchandise. Les départs des
campagnes s'amplifient. De plus, le monde rural (75 % de la population) réduit sa consommation de produits artisanaux et industriels. Une crise économique secoue ce dernier secteur, qui s'est
fortement développé depuis 1840. Le monde rural n'est pas le seul touché : la crise économique accentuée par la concurrence et la spéculation, mais aussi la crise monétaire conduisent des entreprises
à la faillite, principalement dans les domaines de la métallurgie et de la construction ferroviaire, mettant au chômage près de 700 000 ouvriers à la fin de 1847. Dans les villes, les boulangers sont
victimes de vols, et des tensions apparaissent autour des marchés. Les notables multiplient les initiatives caritatives pour calmer ces mouvements. La natalité baisse, la mortalité remonte tandis
qu'apparaît un sentiment de peur sociale, renforçant la défiance à l'égard du régime. Le régime de Louis-Philippe est en effet de plus en plus discuté et victime de scandales. Plusieurs affaires
touchant des notables locaux causent du tort à la petite bourgeoisie, qui perd en crédibilité et en légitimité. Plusieurs pairs de France et ex-ministres sont également touchés par des affaires de
corruption … ».
Bien sûr, toute ressemblance avec des faits contemporains et/ou des personnes exerçant des responsabilités politiques -actuellement ou dans un passé proche-, ne pourrait être que coïncidence fortuite !!! Pourtant, il ne faut guère faire preuve d’imagination pour trouver des parallèles … Dans ce cadre, les banquets –qu’il était difficile d’interdire- ont joué un grand rôle dans la maturation des esprits vers la mise en place de la révolution à venir qui verra s'écrouler la Monarchie de juillet qui régnait depuis 1830, toute entière dévouée aux intérêts de la haute finance. Ces banquets permettaient de passer « légalement » outre les interdictions qui pesaient alors sur l'ensemble des libertés.
A noter que parallèlement à l’organisation de ces banquets républicains, d’autres banquets furent organisés, dans les mêmes conditions, et dans le même contexte répressif, mais pour d’autres raisons,
non plus politiques, mais anticléricales celles-ci, et les participants, voire les organisateurs en étaient souvent les mêmes : les banquets du vendredi dit « saint » : le premier de celui-ci, à
Paris, eut lieu le 10 avril 1848. De grands noms y prirent part : Sainte-Beuve, Flaubert, Renan, Napoléon-Jérôme Bonaparte (républicain, cousin de Napoléon III). Ce banquet, sur le même
principe que les banquets républicains qui suivirent nombreux eut un formidable écho dans l'opinion publique et donna le signal de départ d'une vague de manifestations et d’événements qui
participèrent pour une grande part, à l’avènement d’une pensée laïque qui allait, au cours de la seconde moitié du 19ème siècle, permettre dans ce que l’on appellera plus tard la « Guerre des
deux France », la victoire du camp laïque et républicain, plutôt ancré à gauche et progressiste.... (à suivre)